Sara KORNET (°1858 +1889)
6e génération, branche PAASSE
Mon Challenge AZ 2024 a pour thème la mortalité maternelle au XIXe siècle dans mon arbre.
Un article d'introduction, 24 portraits de femmes mortes d'avoir donné la vie, et une infographie sont au programme.
Le 21 novembre, nous faisions connaissance de Anna RAS et de ses sœurs, Pieternella et Maria, toutes trois décédées des suites d’un accouchement.
Maria RAS (°1835 +1857) avait épousé Gerrit KORNET (°1831 +1923) en 1855.
Après la mort de Maria, ce dernier épouse en secondes noces Jacomijna van GELDER (°1832 +1866) [1].
Grandir sur une île pauvre de Hollande-Méridionale
Le 24 décembre 1858, à Ooltgensplaat, Gerrit et Jacomijna accueillent leur premier enfant, Sara.
Après Sara, Jacomijna et Gerrit auront 2 autres filles : une petite Arentje (°1860 +1865) et une petite Neeltje (°1864 +1868). Jacomijna meurt en mai 1866, âgée de 34 ans. Je ne peux pas connaître avec certitude les causes du décès, mais on sait qu'une grande épidémie de choléra frappe la ville de Ooltgensplaat au printemps 1866 [2].
Gerrit se retrouve veuf une seconde fois, avec trois enfants à charge : Bastiaan (10 ans), Sara (7 ans) et Neeltje (2 ans).
Il se remarie rapidement, dès octobre 1866, avec Dirkje Cornelia de RUITER (°1837 +1923).
Dirkje et Gerrit auront ensemble 9 enfants, dont 5 meurent en bas-âge :
Adrianus (°1867) ;
Arentje (°1868 +1871) ;
Cornelis (°1870 +1870) ;
Arentje (°1871 +1875) ;
Cornelia (°1873 +1874) ;
Leendert (°1874 +1875) ;
Arendje Cornelia (°1876) ;
Geertruij (°1878) ;
Gerrit (°1882).
Un fort taux de mortalité infantile, les décès précoces dus aux épidémies, sont autant de marqueurs de la pauvreté de la famille.
Margot HEINSJBROEK, dans son article « Migratie van Goeree-Overflakkee naar Rotterdam » [Migration de Goere-Overflakkee à Rotterdam] [3], décrit en ces termes les conditions de vie sur les îles de Hollande-Méridionale et de Zélande :
« Pour éclairer les motivations principales de ceux qui quittaient l’île, il est important de comprendre la structure de la société à cette époque-là. Au sommet se trouvait le petit groupe qui dirigeait la communauté, composé de riches agriculteurs et de notables : le maire, le médecin, le notaire, le pasteur et quelques commerçants aisés [welgestelde middenstanders]. En-dessous, on trouvait le groupe des petits agriculteurs sans employés, puis, enfin, la masse des ouvriers agricoles, permanents et occasionnels, ainsi qu’un petit nombre de valets [knechten]. Les premiers travaillaient principalement aux champs, tandis que les valets s’occupaient des chevaux et des outils. Ces derniers étaient légèrement mieux lotis, puisqu’ils avaient la garantie d’un emploi pour une année entière. Les ouvriers agricoles permanents étaient généralement licenciés en automne, lorsqu’il y avait moins de travail. Les plus mal lotis étaient les ouvriers agricoles occasionnels, qui n’avaient du travail qu’au printemps et en été. En hiver, les familles souffraient de la faim ; l’aide de la commune et de l’église étaient maigre. Tout particulièrement en Hollande-Méridionale et en Zélande, les rémunérations étaient mauvaises. Les agriculteurs de Groningue payaient mieux, et un docker à Rotterdam gagnait le double. Selon le chercheur K. Heestermans, cela s’explique par le fait que la conscience de classe des ouvriers agricoles s’est développée tardivement sur les îles, en raison de l’isolement géographique et du nombre élevés de travailleurs à la journée. […] Une famille ne pouvant vivre sur le salaire d’un ouvrier, les femmes et les enfants – dès le plus jeune âge – étaient contraints de travailler [4]. »
Margot HEINSBROEK remarque que la condition des filles est particulièrement précaire, et leur niveau de scolarisation plus bas que celle des garçons : si elles ne devaient pas travailler aux champs, elles devaient prendre soin des plus jeunes enfants pendant que leur mère travaillait.
La vie adulte et l'exode rural
En 1879, âgée de 21 ans, Sara met au monde une petite fille, née de père inconnu, qu’elle prénomme Dirkje Cornelia, comme sa belle-mère. L'enfant ne vit que 6 semaines.
En mars 1881, Sara épouse Gerrit BOM, qui est le frère de mon ancêtre Maria BOM (sosa 59, 6e génération, branche PAASSE). Gerrit est le dernier d’une adelphie de 11 et travaille comme journalier. Le couple vit dans un premier temps sur Molendijk, puis sur Slikdijk.
En septembre 1883, Sara met au monde une petite Arendje. Un an plus tard, c’est au tour de Jacomijna de voir le jour.
Le 27 mai 1885, la famille décide de tenter sa chance à Rotterdam. C’est l’époque de l’exode rural depuis l’île vers les grandes villes de la région, et notamment le grand port de Rotterdam.
À partir des années 1860, le gouvernement lance la construction de la Nieuwe Waterweg (Nouvelle Voie maritime), entre Rotterdam et la mer du Nord. Les anciennes voies navigables étaient trop étroites et pas assez profondes pour le trafic maritime en forte augmentation. La Nieuwe Waterweg est ouverte en 1873 : c’est la liaison fluviale la plus rapide entre la région de la Ruhr et la mer du Nord, et Rotterdam devient en quelques années un port de renommée mondiale.
Les années 1870 sont par ailleurs une période de crise agricole sur l'île de Goeree-Overflakkee : la culture de la garance, notamment, connaît un important déclin, remplacée peu à peu par une teinture synthétique. À cela s’ajoute l’inondation du marché hollandais par des produits moins chers en provenance de l’Amérique du Nord.
C’est dans ce contexte que Sara et Gerrit rejoignent l’important exode rural et arrivent dans cette grande ville industrielle qu'est en train de devenir Rotterdam.
La famille s’installe au 91 de la Hugo de Grootstraat.
Lors de son inscription dans le registre de population, Gerrit est enregistré comme tourneur sur bois (houtdraaier).
En 1887, la famille s’agrandit avec la naissance d’une petite Dirkje Cornelia (qui ne vivra qu’un an) – Gerrit exerce alors comme agent de police (politieagent).
Le 9 décembre 1888, Sara met au monde un petit garçon, prénommé Gerrit. Elle meurt 3 semaines plus tard, le 2 janvier 1889, à l'âge de 30 ans. Le bébé ne lui survivra que 3 semaines.
La plupart des migrants arrivaient à Rotterdam sans préparatifs et sans un sou en poche. Nombreux étaient ceux qui devaient se contenter de travail subalterne, mal payé. À cet égard, Gerrit BOM semble avoir réussi mieux que d’autres, bien qu'il exerce des métiers différents au fil des années.
L’afflux massif de nouveaux habitant·es en un court laps de temps pose à la ville un important problème de logements. La promiscuité et les mauvaises conditions d’hygiène favorisent la prolifération de vermines ainsi que les maladies. Le taux de mortalité infantile est extrêmement élevé.
L'histoire de Sara KORNET s'inscrit tristement dans cette réalité.
NOTES
[1] Je cousine avec Jacomijna van GELDER par ma branche RAAP : elle est la petite-fille de mon sosa 218, Jan BAKKER.
[2] L. P. van PUTTEN, Pioniers van « het Oude land » [Pionniers du « Vieux Pays »], Utrecht, Van Gruting, 2010, p. 105.
[3] Accessible sur le site https://historiek.net à l’adresse : https://historiek.net/migratie-van-goeree-overflakkee-naar-rotterdam/161415/ [consulté le 27 octobre 2024].
[4] Traduction personnelle.
Les prénoms hollandais, c'est vraiment autre chose !