Jeanne CRUBÉZY (°1780 +1814)
Branche CRUBÉZY, 6e génération
Mon Challenge AZ 2024 a pour thème la mortalité maternelle au XIXe siècle dans mon arbre.
Un article d'introduction, 24 portraits de femmes mortes d'avoir donné la vie, et une infographie sont au programme.
Grandir dans une communauté rurale du Languedoc pendant les périodes pré- et post-révolutionnaires
Jeanne naît le vendredi 21 janvier 1780, dans la paroisse de Nissergues (actuellement département de l'Hérault, commune de Bédarieux).
Nissergues est un hameau situé entre les villes de Bédarieux et de Villemagne (aujourd’hui Villemagne-l'Argentière).
Carte de Cassini sur Géoportail
Ces communautés rurales sont régulièrement touchées par les catastrophes naturelles, inondations et grêle notamment, qui ont des effets désastreux sur les récoltes.
Ainsi peut-on lire dans le registre des Délibérations consulaires, en date du 8 avril 1780 :
« Sur quoy il a eté unanimmement deliberé que l expozé fait par les s[ieurs] consuls contient la plus exacte verité que dans l etat de decouragement et de mizere ou la ditte com[munauté] se trouve reduitte il convient de reclamer la protection et l autorité de messieurs les commissaires du dioceze. Ce n est que dans leur charité que cette com[munauté] peut trouver de ressource a ces maux. Le mal est pressent et il demande un promt remede si on ne met le village de Villemagne a l abri des debordements de la riviere de Mare il sera necessairement enporté si on ny procure les secours qu elle sollicite pour continuer les ouvrages qui ont déjà eté faits et en consequence il est deliberé qu il est donne pouvoir au s[ieur] Louis Caumette premier consul d envoyer un estrait de la prezante deliberation a messieurs les commissaires du dioceze pour les suplier de nous accorder un don pour continuer lesd[its] ouvrages servant de defance a la riviere de Mare pour garantir le dit lieu et nous accorder aussy un don pour le dedomagement des recoltes et denrees qui se sont perdues lhors des dittes inondations [des 14 septembre et 21 et 22 octobre 1779]. »
Comme nombre d’habitans de Nissergues, la famille de Jeanne vit de l’agriculture.
Son père Jean CRUBEZI est brassier, louant sa force de travail à des propriétaires. Il accèdera à la propriété au début du XIXe siècle, ainsi qu’en attestent l’acte de mariage de son fils Guillaume en 1813, puis les tables de successions et d’absences où est enregistré son décès en 1817.
La mère de Jeanne est Jeanne COSTE, à propos de laquelle j'ai très peu d'informations. Les registres de Nissergues étant lacunaires, je n'ai pas trace du mariage de Jean CRUBÉZY et de Jeanne COSTE.
Jeanne CRUBÉZY est à priori l'aînée de l'adelphie. Elle est baptisée le 26 janvier ; ses parrain et marraine sont Jean Pierre et Anne CRUBÉZY, ses oncle et tante paternels.
4 autres enfants suivront :
Jean Jacques (°1783) ;
Marianne (°1786 + 1787) ;
Jean Pierre (°1790) ;
Guillaume (°1794), mon ancêtre.
Une noce sous le Consulat
On retrouve Jeanne en 1801 : à 21 ans, elle épouse Étienne MARTY, de 7 ans son aîné, brassier également, originaire de Murat-sur-Vèbre (actuellement dans le Tarn) à 36 kilomètres de là.
Le mariage est célébré le 8 vendémiaire an X (mercredi 30 septembre 1801) à la mairie de Villemagne.
Sont présens au mariage :
Pierre COSTE, fabricant de bas de 23 ans (un cousin maternel ?) ;
Barthélémi BACOU, agriculteur de 35 ans ;
Marie Élisabeth Victoire Amaranthe LAUTREC, épouse DELOCHE, 25 ans ;
Jean Joseph LAUTREC, fabricant de bas de 30 ans ;
le maire de Villemagne, Marc LAUTREC, frère des 2 autres LAUTREC présens.
Deux mois plus tard a lieu la Fête pour la Paix générale du 18 Brumaire an X, déclinaison locale de la grande fête parisienne [1] :
« Il sera donné à cette journée tout l’éclat et la pompe que les localités pourront permettre, à cet effet la veille, elle sera annoncée par un salve d’artillerie et par le bruit des tambours et de la cloche ; le lendemain dix huit toute la garde nationalle prendra les armes et sera rendue au devant de la maison commune à dix heures du matin. Elle se formera en deux lignes et l’ordre de marche sera disposé comme suit […] Le cortège partira de devant la maison commune parcourra la rue des nouvelles, rejoindra la rue de la liberté, la parcourra dans toute son étendue, passera sur les rempards et se rendra au T où un orateur fera un discours analogue à la fête. Dans tout cet intervalle la musique executera des airs patriotiques et des grouppes des citoyens chanteront des hymnes à la paix, après cette cérémonie il y aura des banquets fraternels, des farandolles, des bails. Le soir à l’entrée de la nuit tous les citoyens sont requis d’illuminer leurs maisons, à huit heures precises il sera tiré un feu d’artifice qui terminera la fête. »
La vie adulte de Jeanne CRUBÉZY — sous le Premier Empire
Les différentes sources que j'ai pu trouver restent parcellaires et me donne une vision morcelée de la vie adulte de Jeanne.
Avec Étienne, elle aurait eu 6 enfants :
Marie (°vers 1802 +1851) ;
Jeanne (?) ;
Étienne (°vers 1805 +1807) ;
Marie Cécile Mélanie (°1807) ;
un enfant garçon mort-né (°1811) ;
Justine (°1814).
Je n'ai pas trouvé l'acte de naissance d'Étienne, ni ceux de Jeanne et de Marie — que ce soit dans les registres de Bédarieux, ou dans ceux de Villemagne-l'Argentière, de Hérépian et des Aires. Je sais que ses 4 filles — Marie, Jeanne, Mélanie et Justine — sont vivantes en juin 1815, lorsque est enregistré le décès de Jeanne CRUBÉZY dans les tables de successions et d'absence :
Le 4 décembre 1814 [2], Jeanne CRUBÉZY met au monde une petite fille, prénommée Justine.
C'est vers cette époque qu'Étienne se détourne des métiers agricoles pour travailler dans l'industrie textile, florissante à Bédarieux. Sur l'acte de naissance de Justine, il est ainsi indiqué comme exerçant la profession de foulonnier [3].
Jeanne meurt quatre jours plus tard, le 8 décembre 1814 ; elle était âgée de 34 ans. Les tables de successions et d'absence indiquent qu'elle ne possède « rien ».
La descendance de Jeanne CRUBÉZY
Je retrouve Étienne MARTY et deux de ses filles dans les recensements de Bédarieux de 1836 et 1841 :
Les âges des filles indiquent qu'il s'agirait de Marie Cécile et de Justine. Les trois membres de la famille ici recensés travaillent comme fileues.
En 1841, Étienne est tisserand ; le recenseur n'a pas jugé utile d'indiquer les professions des femmes...
Marie Cécile et Justine resteront célibataires.
Est-ce Marie Cécile qui meurt en 1851, peu de temps après son père ? L'acte de décès indique que la défunte était âgée de 49 ans, et qu'elle serait donc née vers 1802. Il s'agirait plutôt alors de la fille aînée de Jeanne et d'Étienne, Marie, dont je n'ai à ce jour trouvé mention que dans les tables de successions et d'absence.
Justine, quant à elle, meurt en 1896, à l'âge de 81 ans. L'acte de décès indique qu'elle est domestique, et domiciliée rampe de Vèbre — le Vèbre est un ruisseau affluent de l'Orb.
Nous ne connaissons donc aucune descendance aux enfants de Jeanne CRUBÉZY.
NOTES
[1] La fête de la paix a lieu à Paris au début des négociations de paix entre le Royaume-Uni, la France, l'Espagne et la République batave. Les préliminaires sont signées le 9 vendémiaire an X (1er octobre 1801) et le traité de paix est signé à Amiens le 25 mars 1802. C'est un triomphe pour Napoléon Bonaparte, qui a pris le pouvoir 30 mois plus tôt lors du coup d'État du 18 brumaire an VIII.
[2] Le 4 décembre, qui se trouve être aussi le jour de mon anniversaire.
[3] Foulonnier : artisan de l'industrie du drap qui foule les draps de laine, c'est-à-dire qu'il en assure la finition en les feutrant, les assouplissant et en les rendant imperméables.
Très intéressants témoignages et mises en contexte ! La vie était décidément bien difficile à l'époque.