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Mon arrière-grand-père Poilu : Basile Justin GAVALDA

Une des premières biographies familiales que j'ai voulu retracer, c'est celle de mon arrière-grand-père paternel, mort à Verdun en 1916.


La famille de Justin

Basile Justin GAVALDA naît le 8 septembre 1877 à Millau (Aveyron). Il a deux grandes sœurs, Marie Julie (née en 1865) et Louise (née en 1870).

Son père, Basile Barthémély GAVALDA, est corroyeur 1. Rien d'étonnant à cela : Millau est en effet un haut-lieu de l'industrie du cuir et le père de Barthélémy, Basile Barthélémy (oui, on s'y perdrait...) est arrivé à Millau en provenance de Saint-Affrique pour exercer successivement les métiers de gantier et tisserand. Sa mère, Marie Éléonore CROS, est native de Saint-Georges-de-Luzençon, où son père est propriétaire cultivateur.


La conscription 2

Né en 1877, Justin fait partie de la "classe 1897", enregistré sous le numéro matricule 180.

Sa fiche matricule m'indique qu'il a les cheveux et les sourcils châtains, les yeux châtains, le front découvert, le nez long, la bouche petite, le menton à fossette et le visage ovale. Il mesure 1m 69.

Il est incorporé au 4e Régiment de Zouaves à compter du 21 novembre 1898, puis nommé soldat musicien le 22 décembre 1899 3. Justin fait la campagne de Tunisie du 21 novembre 1898 au 16 octobre 1901. Il a alors 24 ans et est envoyé dans la disponibilité avec certificat de bonne conduite.


Fiche matricule du soldat GAVALDA Basile Justin, classe 1897. AD de l'Aveyron, R8159

La trop courte vie de famille de Justin

Justin épouse Louise Marie Nathalie POUJOL le 29 novembre 1907 à Séverac-le-Château, d'où est originaire Louise. Il a 30 ans et elle 19. Le jeune couple vit à Millau, où Justin est corroyeur.

La fiche matricule de Justin indique qu'il est domicilié rue Saint-Martin à Millau, mais il s'agit du domicile de ses parents.

Justin et Louise vivent place du Mandarous, où ils sont épiciers, ainsi qu'en atteste le Guide de l'Aveyron 1910-1911.


Guide de l'Aveyron
Guide de l'Aveyron 1910-11. Archives privées

En mars 1911, Justin et Louise voit leur famille s'agrandir avec la naissance d'une petite fille, Gabrielle Françoise Marie, ma grand-mère paternelle.

Acte de naissance de GAVALDA Gabrielle Françoise Marie. On lit la mention marginale "adoptée par la nation". AD de l'Aveyron, 4E 157-105

Une vie fauchée par la Grande Guerre

Comme tant d'autres, Justin est rappelé par la mobilisation générale du 2 août 1914. Arrivé au corps le 5 août, il passe au 112e d'Infanterie en septembre, puis au 258e en octobre 1914.

Il rejoint le 258e RI qui est cantonné au bois de Malinbois, dans la Meuse.

Le Régiment rejoint les tranchées de Malancourt dès novembre 1914. Justin et ses compagnons d'infortune se retrouve pris dans les batailles de Verdun :

* l'attaque de la tranchée enflammée du Bois de Malancourt, en février 1915 : l'armée allemande emploie pour la première fois un nouveau moyen pour s'emparer des positions : arroser le terrain de pétrole et y faire exploser des mines.

* l'attaque de Verdun déclenchée le 21 février 1916

* l'attaque du Bois de Malancourt du 20 au 23 mars 1916, où Justin est "tué à l'ennemi", comme la plupart des soldats du Régiment.



Extrait du Journal des Marches et Observations du 258e RI :

" Lundi 20 mars

Le 20 mars dès 6h30, l’ennemi concentre un violent bombardement par obus et torpille sur le front de la 57e brigade. Depuis quelques jours, des renseignements spéciaux confirment la présence sur le front du bois de Malancourt d’une division bavaroise à 3 régiments et de nombreux renforts en artillerie lourde. Vers 14h sans interrompre leur bombardement sur le reste du front, mais en allongeant le tir dans toute la zone du layon central, les Allemands attaquent avec une forte colonne d’infanterie en prenant comme axe le layon central. Cette attaque soudaine qui ne trouve plus devant elle que des défenseurs ensevelis dans leurs abris effondrés et des défenses accessoires rasées par le bombardement progresse rapidement jusqu’au réduit sud du bois, où le commandant de la brigade et son état-major sont cernés dans leur poste.

L’extrême confusion qui résulte de cette attaque brusquée ne permet de donner des détails précis, ni sur le mode de l’attaque, ni sur celui de la défense.

[...]

Les 21 et 23e compagnies sont très éprouvées dès la 1ère heure par le torpillage, leurs commandants de compagnie sont ensevelis sous leur tranchée. Le lieutenant Bénézet est tué et remplacé par M. Alberti. La 23e compagnie est attaquée de front à la grenade et tournée sur son flanc gauche par des assaillants qui ont pu pénétrer par les ouvrages P. Le sous-lieutenant Alberti et quelques hommes peuvent se retirer sur les ouvrages de l’Observatoire.

Pendant la journée du 20, les compagnies qui occupent les ouvrages de Vaucluse, Observatoire, Centre 10 et R ne sont pas attaquées directement mais contribuent à empêcher l’ennemi à déboucher du bois par des feux de mitrailleurs et de mousqueterie.

Dans la soirée du 20 mars et dans la nuit du 20 au 21, des contre attaques conduites par différents éléments Bataillon Rouget du 3e Régiment.

Un groupement de 2 Compagnies du 121e Régiment et 2 Compagnies sous le commandement du commandant de la Pomélie du 121e Régiment

Un bataillon du 111e et un bataillon du 105e Régiment sous le commandement du commandant Verdet de l’Etat-Major ont pénétré dans les lisières S. et S.E. du bois de Malancourt et ont empêché l’ennemi d’y déboucher.

Une section de mitrailleurs de la compagnie Lippman marchait avec ces compagnies de contre attaque jointe à une Compagnie de mitrailleurs du 11e Régiment.

22 mars. La 22e Compagnie, Capitaine Villard, ayant sous ses ordres le lieutenant Dumas et le sous-lieutenant Faury (blessé) est proposée pour une citation à l’ordre de l’armée pour la belle attitude pendant les journées du 20 au 25 février et du 20 au 22 mars pendant lesquelles elle a subi sans broncher un bombardement écrasant.

Pendant ces journées, le Régiment a perdu son Colonel (Lieutenant Colonel Géant), [ ] officiers, [ ] troupe tués, blessés ou disparus.

25 mars Samedi. Le Régiment est enlevé par camion automobile et transporté à Maizières (Haute-Marne) pour y être reconstitué. Le commandant Verdet est détaché du 3e Régiment pour être placé provisoirement à la tête du Régiment.

28 mars. Le 258e Régiment est supprimé, le drapeau sera renvoyé au dépôt, le personnel de ce corps (officiers et hommes de troupe) à l’exception de celui des unitée de mitrailleurs et des équipages, sera dirigé par la G.R. de Besançon sur la 72e Division, entre les corps de laquelle il sera réparti.

La dissolution du Régiment est prononcée à la date du 4 avril 1916 à 0H conformément à l’ordre du général commandant en chef."

Mémoire des Hommes, JMO du 258e RI



 

NOTES

1 Corroyeur : Artisan qui donne au cuir sorti des mains du tanneur les façons nécessaires pour être en état de servir aux cordonniers, selliers, carrossiers, bourreliers, malletiers, gainiers ou relieurs.

2 Conscription : inscription sur les rôles des armées de tous jeunes gens ayant atteint l'âge fixé par la loi pour le service militaire obligatoire.

3 Soldat musicien : "Chaque régiment possède une fanfare. Leurs membres sont recrutés parmi les soldats qui jouent déjà d'un instrument ou, à défaut, qui connaissent le solfège au moment de leur incorporation." Source : Le Guichet du savoir, ville de Lyon, Question Soldat musicien


 

SOURCES :

Documents d'archives : AD de l'Aveyron, Mémoire des Hommes


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