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P comme Jean PORQUIÉ

ou Voyage dans un Inventaire après décès de 1701 en Rouergue



L’an mil sept cens un et le dixieme jour du mois de janvier avant midi (1), le notaire LAYROLE, de Séverac, se rend au village de Recoules de Lom (2) dans la maison de Jean Pourquié. C’est la veuve qui l’accueille, Cécille de Vaquié de Labaume.


Son mari vient de mourir, des suites d’une maladie corporelle qui le détient dans son lit et qui l’a poussé, deux mois plus tôt, à tester, craignant d’en mourir et scaichant qu’il n’i a rien de plus certain que la mort, ni rien de plus incertain que l’heure d’icelle. (3)

Il a alors désigné sa femme Cécile comme son héritière fiduciaire, à charge pour elle de restituer l’héritage à leur fils unique, Jean II POURQUIÉ, lorsqu’il atteindra ses 25 ans.



Une maison de Recoules
Une maison de Recoules (Google Maps)

Le notaire rentre dans la maison d’habitation pour procéder à l’inventaire des effets du défunt. On y accède par un degré de pierre du cotté de la bassecour. Là, il trouve deux lits garnis de leurs boix pin, une couverte de Monpelier blanche à chacun, un matelas et une paillasse. La pièce comporte aussi une table boix pin, un banc et un archibanc, deux chaises garnies de paille demi usé. Deux garderobes fait en menuiserie.



Le contenu des garde-robes fait aussi l’objet d’un inventaire précis :

- quatre plats, seize assiettes, deux pots, six paintes [pintes] petites et aussi deux grandes tout estain [étain] demi usé, l’ensemble pesant 51 livres, dans la première ;

- douse peres linseuls toille de pais [toile de pays], partie presque neuf et l’autre demi usés, douse serviettes moitié fines et l’autre toile de pais, deux napes aussi toile de pais, plus aussi six napes toile de pais pour l’usage des vallés, plus six chemises toile de pais dudit feu Pourquié, plus deux justecorps, lesdits justecorps coleur brun et noir.

Pour compléter l’ameublement de la pièce, un vieux coffre boix pin fermé à clef, trois seaux cuivre presque usés du poids de 24 livres, deux grands chauderons, le plus grand tenant huit seaux et l’autre cinq, trois petits seaux cuivre demi usés, cinq pots métail, d’autres pots et poêlons, deux poeles à frire, un bassinoir cuivre, une lampe, dix couillers terre, trois plats et trois assiettes aussi terre, un vieux tour à filer et sa guille, un vieux buffet boix pin usé.

On était aisés, chez les POURQUIÉ, mais on usait les meubles tant que faire se pouvait.


Extrait de l'inventaire après décès
Extrait de l'inventaire de la pièce principale. AD de l'Aveyron, maître Layrole 3E7604 Séquence 4 folio 36-50

De là, l’inventaire continue dans la petite chambre derrière la maison, où dorment les valets, puis dans le petit grenier au-dessus.


Il y a une autre chambre au-dessus de la basse-cour. Il s’agit visiblement du « bureau » de Jean Pourquié et de sa femme, l’endroit où l'on garde les papiers importants. La pièce renferme entre autres un lit garni de rideaux et une couverte de monpelier, un matelas laine, un cuissin plume, une table boix noir, une garderobe boix noir fermé à clef, dont Cécille explique qu’elle lui appartient. Une petite armoire attaché à la muraille contient les contrats d’achaps ou autres actes en nombre de 66 (de 1635 à 1679). Suit le détail des actes notariés.

Au-dessus de la pièce, un grenier bien garni : vingt cettiers [sétiers (4)] fromant, quatre cettiers seigle, 40 cettiers bled, 15 cettiers bled orge, quatre lars salés, douse sacs toile de pain, soixante livres laine blanch, trois cordes, six fourches, trois rastaux.

Puis la cave, avec notamment quatre barriques dont deux de vin et deux de cidre, vingt-cinq livres de fromage.


Une fois inventorié le contenu de l’habitation, nous passons aux dépendances. Une étable avec trois paires de bœufs et leurs jougs, quatre baudets, un mulet et un petit cheval, huit galines et un coq.

Et cinq petites étables avec 160 brebis, 55 moutons, 30 vaches, 65 chèvres et 2 chiens (avec leur collier !), 2 cochons, et dans le jardin, 5 ruches à miel.

Le notaire note que la plus grande estable menace ruine.


Extrait de l'inventaire
Inventaire d'une partie du bétail et des "ruches à miel". AD de l'Aveyron

Le tout se fait en présence des frères de Cécile, Joseph LABAUME, prêtre docteur en théologie, recteur de Saint Dalmazi, et Antoine VACQUIER de LABAUME, avocat au parlement, ainsi que de son beau-frère Jean Pierre POURQUERY, bourgeois.

Les hommes signent, non Cécile, pour ne savoir.


Si tous les biens reviennent à terme à leur fils unique, dans son testament du 16 novembre 1700, Jean POURQUIÉ prévoit une pension annuelle pour sa femme, aussi que pour sa sœur Anne POURQUIÉ, si elle ne se mariait pas.

La pension comprend notamment 12 sétiers de blé (8 de froment, 4 de seigle), 15 livres d’huile (moitié olive et moitié noix), 50 livres de chair salée de pourceau, 18 livres de beurre, 30 livres de fromage, et 100 œufs.


 

Pour se repérer dans la généalogie :


Ascendance de Louise POUJOL
Ascendance de Louise POUJOL. Généatique, 2023

Jean PORQUIÉ, dont il est ici question, est mon ancêtre à la 11e génération. En jaune sur l'arbre ascendant de Louise POUJOL, son fils unique, Jean II POURQUIER.

Son contrat de mariage de 1689 avec Cécile de VACQUIER de LABAUME nous apprend qu'il est bourgeois et qu'il est fils de Jean PORQUIÉ (l'Ancien) et d'Hélène CHAIVIGNE. Il est originaire de Recoules de l'Hom.

Cécile, de son côté, descend des seigneurs de LABAUME, habitants d'Auberoques, paroisse de Saint-Dalmazi, aujourd'hui commune de Séverac-le-Château. Elle est la fille de Pierre de VACQUIER de LABAUME et de Catherine de DOMERGUE.


 

NOTES

(1) Les parties en italiques sont des retranscriptions des actes originaux.

(2) Recoules de l'Hom, hameau de la paroisse d'Inos (aujourd'hui Le Massegros en Lozère). Limitrophe de l'Aveyron, elle fait partie du bassin de Séverac-le-Château.

(3) Testament de Jean POURQUIÉ, 16 novembre 1700, archives de maître LAYROLE (Séverac-le-Château), 3E7604 Séquence 4 folio 36-50

(4) Sétier, unité de mesure de l'Ancien Régime pour le grain.

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