Les LAFABRIÉ et les métiers du fil, 1e partie
- mamakos-creations
- 17 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 juin
#Généathème : « En avril, ne te découvre pas d'un fil ! »
« En avril, ne te découvre pas d’un fil » et, pour faire écho à ce dicton populaire, GeneaTech nous invite à partir à la recherche d’ancêtres qui ont exercé des métiers du fil.
En mai 2023, j’avais consacré mon #Généathème « Autour d’une profession » à l’industrie drapière dans mon arbre. J’y présentais les différentes étapes de la fabrication du drap de laine, depuis le triage de la laine jusqu’à la teinture du drap paré, ainsi que cell·eux de mes ancêtres qui ont travaillé pour cette filière.
Je choisis aujourd’hui de parler plus spécifiquement de ma branche patronymique, celle des LAFABRIÉ [1], petites mains de la filière textile plusieurs siècles durant.

Première génération : Étienne LAFABRIÉ (°1706 +1773), cardeur de laine
Le premier LAFABRIÉ dont le métier m’est connu est mon ancêtre Étienne LAFABRIÉ – sosa 256, 9e génération.
Étienne, né en 1706 à Navacelles (Hérault), est le fils de Jean LAFABRIÉ et de Marguerite CAMPLO, dont nous avons fait connaissance le 5 avril 2025, dans mon article « Rameau CAMPLO ».
Il épouse Marie JOURDAN en 1731 ; ensemble, i·els ont 7 enfants.
La famille vit à Bez (aujourd'hui commune de Bez-et-Esparon, dans le Gard), sur le plateau qui surplombe le cirque de Navacelles.

Sur l’acte de baptême de son fils Guillaume, né en 1743 à Bez-et-Esparon (Gard), Étienne est indiqué comme étant cardeur de laine :
L'an mil sept cent quarante trois et le septieme de fevrier Guillaume fils legitime d'Estienne Lafabrié cardeur de laine et de Marie Jourdan de Lassalle, né le jour d'hier, a été baptisé. Son parrein est Guillaume Vernet, et sa marreine Marie Anne Lassale femme de Gregoire Randon. Present Marc Antoine Sanguinede, signé avec le parrain.

Carder : Action par laquelle on prépare la laine, en la faisant passer entre les pointes crochues de deux instrumens, qu'on nomme Cardes, pour la peigner, & en démêler les poils, afin de la mettre en état d'être filée, ou employée aux divers autres ouvrages qu'on se propose. [...] Avant que de carder la laine, on doit la graisser avec de l'huile, dont il faut le quart du poids de la laine dans celle destinée à faire la trème des étoffes, & la huitième partie dans celle de la chaîne. [2]

Dans la région, nombreux sont cell·eux qui cumulent travail agricole à la belle saison et activité textile (au sens large) en hiver : carder la laine, la filer, cela permet de mettre du beurre dans les épinards, notamment pendant les mois d’hiver où le travail aux champs se fait rare.
Il semble toutefois que l’activité de cardage soit l’activité principale d’Étienne : il est noté cardeur de laine sur la plupart des actes le mentionnant, dont l’acte de baptême de son 7e enfant, Marie, en 1750 :
Le parrain de la petite Marie n’est nul autre que son grand frère, Étienne – que nous l’appellerons « le jeune » – mon ancêtre (sosa 128). Étienne « le jeune », âgé de 13 ans, appose sa signature d’un trait de plume décidé. C’est la plus ancienne signature d’un LAFABRIÉ que je connaisse.
Étienne meurt en 1773, à l'âge de 67 ans. Son épouse Marie est décédée plus de dix ans auparavant.
Son acte de sépulture indique qu’il travaille toujours comme cardeur de laine :
Deuxième et troisième générations : Étienne LAFABRIÉ « le jeune » (°1737 +1767) et François LAFABRIÉ (°1766 +1845), fabricants de bas
Étienne LAFABRIÉ « le jeune », né en 1737, épouse Marie FADAT en 1763.
Marie est, comme lui, native de la paroisse de Bez. Le jeune marié est fabricant en bas.

Le mariage ne durera hélas que quelques années, tout juste le temps pour Étienne et Marie d’avoir deux fils : Étienne (appelons le « junior ») en 1764 et François (mon ancêtre) en 1766. Étienne « le jeune » meurt en 1767, âgé de seulement 30 ans. Marie FADAT ne se remarie pas et meurt quelques années plus tard, en 1776.
En seulement neuf ans, les deux garçons ont enterré leurs deux parents et leur grand-père paternel – le seul de leurs aïeuls qu’ils aient connu.
Je ne sais pas qui recueille les enfants – peut-être leur tante Marie LAFABRIÉ.

Mon ancêtre François LAFABRIÉ deviendra fabricant de bas, comme son père.
BAS. Les Bas au tricot, que l'on nomme aussi Bas à l'aiguille, ou Bas brochez, se font avec de longues et menues aiguilles, ou petites broches de fil de fer ou de leton poli, qui en se croisant les unes sur les autres, entrelassent les fils, & forment les mailles dont les Bas dont composez ; ce qui s'appelle Tricoter, ou Brocher les Bas, ou les Travailler à l'aiguille. [4]
François LAFABRIÉ s’installe à Bédarieux (Hérault), un haut lieu de l’industrie drapière et lainière, situé à quelque 90 kilomètres de son village de naissance.
Là, il épouse en 1792 Marie BIROT, fille de Jean Pierre BIROT, retorseur.
Sont présents au mariage civil : Jacques MECLÉ, Jean Jacques JOUR, Joachim BASCON et Fulcrand LEBRARD, tous fabricants de bas.
François et Marie ont ensemble 5 enfants : Marie (°1793 +1795), François (°1796), Marie Rose (°1798), Jean (°1800) et Justine (°1804).


En 1836, François Lafabrié et Marie Birot sont recensés avec leurs deux plus jeunes enfants :
– François Lafabrié, faiseur de bas ;
– Marie Birot, trieuse ;
– Jean Lafabrié, tisserand ;
– Justine Lafabrié, rentrayeuse.
Un peu plus loin dans la rue, la sœur de Marie BIROT, Marie Rose, vit avec son époux Jacques TARGAN, marchand, et leur fils Jacques, ourdisseur.
On le voit, la famille est profondément liée à l'industrie lainière.
Les étapes de fabrication d'un drap de laine, infographie créée avec Genially
Quatrième génération : François LAFABRIÉ (°1796 +1840), tisserand
En 1824, mon ancêtre François (appelons le « le jeune ») épouse Marianne PAGÈS, native elle aussi de Bédarieux. L’acte de mariage indique que François est tisserand, fils de François, ouvrier en laine ; Marianne est tisseuse, fille d’Alexandre, tisserand.
Sont présents au mariage civil : Jacques Rouch et François Flauviau, fabricants de draps, Jacques Guiraud, teinturier – et Justin Ferret, secrétaire des prud’hommes.
On se marie et on sociabilise essentiellement au sein de son corps de métier, visiblement.
Une fois de plus, les parents meurent jeunes – François en 1840, Marianne en 1842 –, laissant derrière eux 3 enfants : Françoise, François et Alexandre, que tout le monde appelle Cyrille (mon ancêtre). Les orphelins partent vivre chez leur tante Justine à la mort des parents. Leur oncle Jean, tisserand, est mort deux ans auparavant.
Nous ferons plus ample connaissance avec ell·eux dans la seconde partie de ce Généathème [5].

NOTES
[1] Étymologiquement, le nom de LAFABRIÉ ne renvoie pas du tout aux métiers du textile, mais plutôt à ceux de la forge.
[2] Article « Carder ». In Dictionnaire universel de commerce, tome premier, Jacques Savary Des Bruslons,. Paris, J. Estienne, 1723, p. 562.
[3] Toutes les photographies de métiers du fil sont tirées de ma collection personnelle. J'ai depuis quelques années développé un véritable intérêt pour le filage et le tissage – en plus du tricot que je pratique depuis l'enfance. Il va sans dire que j'ai été très heureuse de tisser ce lien entre mes ancêtres et moi – même si dans mon cas, il s'agit d'un loisir et non d'un difficile gagne-pain.
[4] Article « Bas ». Opus cité, p. 276.
[5] Il faut que je me résigne une fois pour toutes : je ne sais pas faire court... Ce qui devait être un petit article devient ainsi une série en deux parties... Les lecteur·ices courageux seront récompensé·es dans l'article suivant par de très belles photos de mes ancêtres !
Je suis un lecteur courageux ;) et absolument passionné. Grâce à toi, ma fille, j'apprends beaucoup de la vie de nos ancêtres. Ah ! Si ton grand-père André Lafabrié avait pu vivre assez vieux pour te connaître je sais combien il aurait été fier de ton travail. Vous avez trois points communs et non des moindres : la passion, la patience et la méticulosité. Toute mon admiration et ma gratitude, Marthe.
Bel article avec de remarquables photos de ta collection personnelle
j'ai appris ce qu'était un fabriquant de bas ; merci
quel travail que de faire du jacquard pour des bas !
Très intéressant