Branche RAAP, mes ancêtres à la 6e génération (sosas 52 et 53)
Première partie

Le thème de la semaine 1 du challenge #52Ancêtres52Semaines est « In the Beginning », « Au commencement ».
Ma famille m'a demandé plus d'informations sur nos ancêtres émigrés aux États-Unis, et avant de parler d'émigration, j'ai choisi de commencer au début : là où tout à commencé...
Nous sommes le vendredi 4 juin 1858, à Den Bommel [1], petit village de Hollande-Méridionale situé sur l’île de Goeree-Overflakkee.
Ce jour-là, nous célébrons le mariage de Cornelis RAAP, 25 ans, travailleur non qualifié (arbeider), et de Lena van den BROEK, 23 ans, travailleuse non qualifiée (arbeidster).
Ils sont mes ancêtres à la 6e génération, sont tous deux issus de la classe des petits artisans, et déclarent ne pas savoir signer.
Mais qui sont Cornelis et Lena ?

Cornelis RAAP (°1832, + ca. 1910)

Cornelis, né le 11 septembre 1832, est le deuxième enfant d’une fratrie qui en comptera sept.
Son père, Jan RAAP, est cordonnier (schoenmaker). Sa mère, Maatje KOOIMAN, est fille de travailleur non qualifié. Elle a travaillé comme domestique (dienstbode) avant son mariage.
< Ot, le petit héros du livre de lecture Ot en Sien, écrit par Jan Lighthart et H. Scheepstra, illustré par C. Jetses (1e éd., 1902). Collection personnelle
Des sept enfants, quatre seulement vivront une vie adulte : Johanna (°1831), Cornelis (°1832), Jacob (°1835) et Jannetje (°1842).
Un petit Arend meurt en 1838, âgé de tout juste un jour.
En août 1849, c’est certainement l’épidémie de choléra qui cause le décès de trois membres de la famille en l'espace de cinq jours : deux fillettes, Hendrina (10 ans) et Arentje (3 ans et demi), mais également le père, Jan RAAP [2].
Le choléra est omniprésent dans la presse de l'époque :
Dans la commune de Hontenisse, les autorités ont annulé les festivités prévues dans les villages de Kloosterzande et de Lamswaarde, en raison de l'épidémie de choléra :
Dans le Zierikzeesche Courant du 29 août 1849, on pouvait lire : « Dans toute la Hollande-Méridionale, du 1er au 12 août, 7431 personnes ont contracté le choléra ; parmi elles, 2775 ont guéri et 3892 sont décédées. »
Devenue veuve, et afin de subvenir aux besoins de ses quatre enfants, Maatje KOOIMAN travaille au gré des petits emplois qu’elle peut trouver : elle est indiquée « arbeidster » (travailleuse non qualifiée) lors des mariages de ses enfants en 1858 et 1864, mais également sur son acte de décès, en 1876 ; elle est alors âgée de 70 ans.
Lena van den BROEK (°1834, + ca. 1910)

Lena, née le 11 novembre 1834, est l’aînée d’une fratrie de cinq enfants.
Seules les deux aînées survivent à la petite enfance : Johanna (1838), Johanna (1843) et Johannis (1845) ne vivront que quelques semaines.
Leur mère, Jannetje ROMEIJN, meurt quatre mois après son cinquième accouchement ; elle avait 32 ans. Lena et sa petite soeur Geertrui sont alors âgées de 11 et 9 ans.
Le père, Jacob van den BROEK, est charpentier ; il ne se remariera pas. Il meurt en 1858, quelques mois avant le mariage de sa fille aînée.
Lena et Geertrui travaillent très jeunes pour aider leur père et contribuer aux revenus du foyer : toutes deux comme travailleuses non qualifiées dans un premier temps. Puis, après le mariage de sa grande sœur, Geertrui trouve une place de domestique dans le village voisin de Ooltgensplaat, position qu'elle occupera jusqu'à son mariage en 1861.
Cornelis et Lena sont tous deux les visages de cette île pauvre que fut Goeree-Overflakkee au XIXe siècle.
De negentiende eeuw is een tijd van ziekte en armoede. [Le dix-neuvième siècle est une période de maladie et de pauvreté.] Streekarchief Goeree-Overflakkee (Archives de Goeree-Overflakkee)
Tout au long du XIXe siècle, des épidémies surviennent, occasionnant la mort de milliers de personnes.
Le mitan du siècle est particulièrement critique pour les populations :
l'hiver 1845-1846, très rude, accroît la pauvreté des habitants et durcit des conditions de subsistance déjà difficiles ;
la famine de la pomme de terre touche la Hollande, au même titre que les autres pays de l'Europe du Nord-Ouest ;
l'économie de la pêche est en berne, car l'exportation vers la Belgique est presque à l'arrêt.
Les autorités instaurent des soupes populaires, les diaconies distribuent des vêtements et du combustible aux plus pauvres ; les enfants travaillent très jeunes, afin de gagner un peu d'argent pour la famille [3].
Tous ces facteurs entraînent une surmortalité, notamment infantile, mais les jeunes adultes sont également touchés. Des orphelinats voient le jour, afin de prendre en charge les enfants n'ayant plus de parents [4].
L'autre conséquence de cette pauvreté extrême est une importante vague d'exode rural (notamment vers Rotterdam) et d'émigration (notamment vers les États-Unis).
De ce point de vue également, Cornelis et Lena sont des visages emblématiques de l'histoire de Goeree-Overflakkee au XIXe siècle ; nous le verrons dans la suite de cet article.
NOTES
[1] La commune de Den Bommel comptait 1305 habitants en 1843, dont environ 500 vivent dans le village. (Beschrijving van het Eiland Goeree-Overflakkee [Description de l'île de Goeree-Overflakkee], B. BOERS, 1843. P. 312).
J’ai présenté succinctement le village de Den Bommel dans l’article D de mon Challengez AZ 2022 : D is voor Den Bommel.
[2] Den Bommel enregistre 100 décès en 1849 – contre 57 en 1848 et 54 en 1850. Source : registres de l'état civil, Streekarchief Goeree-Overflakkee.
[3] Article « Ziekte en armoede » [Maladie et pauvreté], Streekarchief Goeree-Overflakkee, https://www.streekarchiefgo.nl/ziekte-en-armoede [consulté le 16 février 2025].
Les chercheurs estiment que, dans les années 1850, 21 % de la population des Pays-Bas souffre de pauvreté extrême et dépend de l'aide sociale. Source : « Geschiedenis van het sociale zekerheidsstelsel in beeld » [Histoire du système d'aide sociale en image], Centraal Bureau voor de Statistiek, https://www.cbs.nl/nl-nl/corporate/2024/39/geschiedenis-van-het-sociale-zekerheidsstelsel-in-beeld [consulté le 16 févirer 2025].
[4] Pour plus d'informations sur les mortalités maternelle et infantile, notamment, vous pouvez lire mon article Z du challenge AZ 2024, dont le fil rouge était l'étude de la mortalité maternelle dans mon arbre au XIXe siècle.
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