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« Zeer geliefde vader broeders en zusters » (1)

« Très chers père frères et sœurs » : Lettres au Vieux Pays


52 Ancêtres en 52 Semaines, Semaine 10 : Langue

52 Ancêtres en 52 Semaines, dans le texte original 52 Ancestors in 52 Weeks, est un challenge d'écriture généalogique proposé par Amy Johnson Crow.



Après avoir dévoré les lettres – et leur mise en contexte – réunies dans l'ouvrage Dutch American Voices: Letters from the United States, 1850-1930 (Cornell University Press, 1995), et m'être bien imprégnée de la langue et des impressions des immigrés néerlandais partis tenter leur chance aux États-Unis, je tente ici l'exercice d'imaginer des correspondances envoyés par mes « cousins » à leurs familles restées aux Pays-Bas.

J'ai essayé de m'inspirer du style (une langue plutôt simple, des motifs récurrents), tout en m'affranchissant de certains passages visiblement obligés de ces courriers (notamment les très longues considérations pieuses et les longs rapports à propos de l'état de santé de chacun).


Hendrik BAKELAAR (°1823 +1915) et sa femme Lijntje van LAAUWE (°1826 +1900) ont quitté Goedereede en 1849. Hendrik est l'arrière-petit-fils de Pieter BAKELAAR, mon ancêtre à la 10e génération (branche BRINKMAN) :


Arbre ascendant de Hendrik BAKELAAR
Arbre ascendant de Hendrik BAKELAAR. Généatique 2024


En-tête de lettre
En-tête d'une lettre de Cornelis MANNEE à sa famille en Zélande, datée de 1851. Dutch American Voices, p. 375.

De Lijntje LAAUWE, New York

À son beau-père Dirk BAKELAAR et ses belle-sœurs, Goedereede

Septembre 1849


Très chers parents, chères sœurs, Vous pouvez voir ici [voir en-tête ci-dessus] un petit bout de New York. C’est la mairie. Nous sommes bien arrivés à New York, après un long voyage bien éprouvant. Presque tout le monde a eu le mal de mer. J’ai dû garder le lit la plupart du temps. À l’intérieur du bateau, c’était des lits superposés les uns à côté des autres, les malles à côté des lits. Tous les matins, on recevait une ration d’eau, et à manger assez régulièrement. Le voyage a été long, surtout avec des enfants si jeunes. Klaartje a tout juste un an, et son cousin Willem[1], à peine quelques semaines. Nous avons quitté Rotterdam le 7 août et c’est avec un grand soulagement que nous avons aperçu le port de New York, le 24 septembre[2]. Nous avons été très impressionnés en arrivant, il y a tellement de choses à voir. C’est impossible à décrire. Nous avons immédiatement pu louer une chambre. Le loyer est de 2,50 $ la semaine. Hendrik a trouvé du travail tout de suite et il est bien payé. La vie n’est pas chère. Par exemple, le bacon coûte huit cents et du bon bœuf six ou sept cents. Nous sommes mieux ici qu’à Goedereede. Cornelis et Maria louent aussi une chambre, dans le même quartier. Il y a beaucoup de Hollandais ici. Cornelis a tout de suite trouvé du travail comme menuisier. Chers beaux-parents, pouvez-vous dire à mes parents Cornelis LAAUWE et Aagtje van WAARDE que nous allons tous bien ? Envoyez-nous vite de vos nouvelles. Votre fille dévouée,
Lijntje LAAUWE



 



De Hendrik BAKELAAR, Paterson, New Jersey

À son père Dirk BAKELAAR, Goedereede

1851

Très cher père, Nous étions ravis de recevoir une lettre de vous et de savoir que vous allez tous bien. Nous pouvons vous informer que, grâce à Dieu, nous allons tous bien. Lijntje a accouché d’une petite fille. Nous l’avons appelée Aagtje, comme sa grand-mère maternelle, mais ici aux États-Unis nous l’appelons Agnes. Le bébé va bien. Nous habitons à Paterson. C’est une ville où il y a beaucoup de travail. Je suis bien payé et nous payons peu de taxes. Chère sœur Aagtje, je sais que ta vie est difficile depuis que Leendert est mort[3]. Je t’implore de nous rejoindre ici. Ton fils Jan pourrait travailler avec moi ou avec le cousin Cornelis. Il gagnerait bien sa vie. Et Klaartje pourrait travailler aussi chez des gens comme bonne. Ou bien à l’usine de soie. Il y a beaucoup de possibilités. Chère sœur Adriaantje, je te fais ici la même proposition. Il y a ici beaucoup de travail dans les usines. Et ma chère et dévouée épouse Lena pourra s’occuper de ton petit Cornelis[4]. Je ne peux pas comprendre comment les gens aux Pays-Bas acceptent d'être extorqués par le gouvernement jusqu’au dernier sou, et qu’ensuite ils doivent recourir à l'aide sociale. On peut gagner sa vie ici en toute liberté sans avoir à payer de lourds impôts. À l'occasion, si des gens vous demandent conseil, dites-leur que s'ils ne sont pas trop paresseux pour travailler et s'ils sont prêts à bien se comporter, ils peuvent gagner leur vie ici sans craindre de devenir esclaves. On est libre ici et si on n'aime pas travailler à un endroit, on peut toujours trouver du travail ailleurs[5]. S’il vous plaît écrivez-nous vite. Et nous vous engageons à envisager sérieusement de nous rejoindre. Vos enfants dévoués H. Bakelaar et L. Laauwe
PS : Dites bien à mes beaux-parents que nous allons tous bien et dites surtout à Aagtje que sa petite-fille porte son prénom.

[Les signatures de Hendrik BAKELAAR et de Lijntje LAAUWE sont tirées de leur acte de mariage.]



 

NOTES

[1] Hendrik et sa femme Lijntje LAAUWE sont partis en même temps que le cousin de Lijntje, Cornelis LAAUWE, et sa femme Maria BREEN. Les deux jeunes couples, âgés de 23 à 27 ans, ont chacun un enfant en bas âge. Cornelis est menuisier. Voir le recensement des émigrants de la province de Hollande-Méridionale sur le site FamilySearch.

[2] Les dates sont fictives, empruntées à une lettre de Jacob Harms Dunnink datée de septembre 1848. Dutch American Voices, p. 30.

[3] Leendert MASTENBROEK, le mari de Aagtje BAKELAAR, est mort en 1846. En 1851, Aagtje vit avec ses cinq enfants âgés de cinq à treize ans. Jan a treize ans, et Klaartje douze.

[4] Adriaantje BAKELAAR a mis au monde en 1849 un petit Cornelis, dont le père est inconnu.

[5] Extrait d’une lettre de Cornelis MANNEE à sa famille en Zélande, datée de 1851. Dutch American Voices, p. 375.

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