Culture et transformation de la Garance en Zélande
Au cours de mes recherches dans ma branche van der WELLE, je suis tombée à plusieurs reprises sur la mention d'un métier dont je n'avais aucune idée de ce dont il pouvait bien s'agir sans devoir ouvrir un dictionnaire : Droger in de Meestoof, ou encore Meedroger.
Il s'agit d'ouvriers (voire contre-maîtres) qui travaillaient dans les manufactures de transformation de la garance, plante tinctoriale qui était une spécialité de la Zélande.
Meekrapteler : les cultivateurs de garance
La culture de la garance est connue aux Pays-Bas depuis le XIVe siècle, notamment dans les provinces de Zélande, Brabant-Septentrional et les îles de la Hollande-Méridionale. Elle se cultive sur sols profonds, argileux et fortement fumés.
La préparation des sols est un travail extrêmement pénible : il faut retourner la terre, lourde, sur au moins 50 cm et former des buttes (bedden) qui seront abondamment fumées pendant au moins deux ans.
Au mois de mai, on ramasse les jeunes repousses sur des pieds de deux ou trois ans, les kiemen. Ces kiemen sont mises en mottes, puis plantées à l'aide d'un outil spécial, le zetspad, dans les buttes.
Les plantations de garance nécessitent un sarclage régulier tout au long des 20 mois suivants.
Au mois de septembre de la 3e année, la garance est prête à être récoltée : ce sont les racines qui nous intéressent.
La récolte est laissée dans le champ à sécher. Vient ensuite le moment de la transformation.
Meekrapstoof : la transformation de la garance
Stampers, Drijvers et Drogers : « broyeurs, rabateurs et sécheurs »
La transformation de la racine de garance en poudre tinctoriale demandait d'importants investissements matériels : plusieurs cultivateurs (souvent au nombre de seize) s'associaient donc pour fonder une Meekrapstoof, littéralement « fourneau à garance ». Il s'agit d'une forme de coopérative agricole très ancienne.
Une fois séchées dans les champs, les racines de garance sont apportées au Meestoof :
D'abord dans le koude stoof (fourneau froid), un grand hangar où chaque cultivateur a un espace alloué, car les récoltes restent propriété du fermier tout au long de la transformation et sont donc traitées séparément.
Depuis le koude stoof, les racines sont dirigées vers la Toren (Tour) : un espace chauffé contenant quatre greniers superposés. S'y déroule la première phase de séchage : les racines sont entreposées dans chaque grenier à tour de rôle, en partant du grenier supérieur.
Ensuite, la garance est battue : cela permet d'en ôter les écorces, la terre et les impuretés. A ce stade, la garance portent le nom français de « racine ».
Les racines passent ensuite par l’Ast, un four, auquel est relié un long canal (vuurwerk), pour une seconde phase de séchage d’environ 24 heures. Les racines sont maintenant prêtes à être moulues.
La mouture de la garance s'effectue de nuit, car la lumière du jour à sur la racine un effet décolorant.
La mouture s’effectue dans le stamphuis, où travaillent le stamper (pilonneur) et le drijver (rabatteur), sous le contrôle du droger (sécheur). Le métier de stamper était hautement spécialisé : les stampers étaient donc les ouvriers les mieux payés de l'exploitation.
Le drijver fait tourner une grosse roue (molenrad) mue par trois chevaux.
L’installation est reliée à un gros axe qui permet de soulever les pilons (stampers) et de les abattre dans une caisse en chêne massif où se trouve les racines de garance.
Grâce à un système de tamis, on obtient plusieurs qualités différentes de garance : onberoofde (qualité supérieure), twee-en-één (un mélange 2/3 haute qualité, 1/3 mauvaise qualité) et één-en-één (un mélange un pour un). Les restes (mullen) étaient moulus une seconde fois pour obtenir une garance de qualité moyenne.
Les cultivateurs récupéraient alors chacun leur produit transformé pour le vendre sur le marché de Rotterdam.
Mes ancêtres « Droger »
Ma généalogie comprend une lignée de quatre générations de sécheurs de garance, originaires de Sint-Annaland.
En 1839, plus de 500 personnes ont quitté la commune pour aller travailler dans les meestoven de Zélande, Brabant-Septentrional et Hollande-Méridionale.
Jan van der WELLE (°1729 + 1793), sosa 480, est droger au meestoof « De Hersteller » à Sint-Annaland. Il s'agit du plus ancien meestoof de la commune, en activité jusqu'en 1877.
Abraham van der WELLE (°1762 +1836), d'abord en activité à Sint Annaland, puis à Terneuzen – attesté à partir de 1829 : il réside alors avec se seconde épouse Leuntje van ALTEN (épousée à Terneuzen en 1813) et ses enfants. Il est fort probable qu'il ait rencontré Leuntje lors d'une mission saisonnière à Terneuzen, située à 80 km de Sint Annaland. En 1835, Abraham habite au meestof, avec son fils Willem, sa belle-fille Jacomine et ses petits-enfants.
Jan van der WELLE (°1796 +1867) déménage à Ooltgensplaat en 1826. Sur l'île de Goeree-Overflakkee se trouvaient des meestoven à Herkingen et Goedereede, notamment.
Abraham van der WELLE (°1819 +1869), le grand-père de mon arrière-grand-mère Elisabeth van der WELLE, est droger jusqu'à sa mort, à l'âge de 50 ans. Il est le dernier de ma famille van der WELLE à travailler dans la garance.
Lignée van der WELLE Abraham van der WELLE (°1699 +1744) & Jannetje PICKAARTS (°1704 +1750) Sint Annaland, Fermier/Landbouwer, sosa 960 | Jan van der WELLE (°1729 +1793) & Lucretia HAGE (°1738 +1813) Sint Annaland, Ouvrier agricole puis Droger, sosa 480 | Abraham van der WELLE (°1762 +1836) & Engeltje GUNST (°1774 +1811) Sint Annaland-Terneuzen, Droger, sosa 240 | Jan van der WELLE (°1796 +1867) & Adriana Elisabeth SOETERS (°1788 +1858) Sint Annaland--Ooltgensplaat, Stamper, Droger, sosa 120 | Abraham van der WELLE (°1819 +1869) & Jannetje van NIMWEGEN (°1832 +1922) Sint Annaland-Ooltgensplaat, Stamper, Droger, sosa 60 | Corstiaan van der WELLE (°1867 +1946) & Suzanna de VOS (°1867 +1953) Ooltgensplaat, Journalier, sosa 30 | Elisabeth van der WELLE (°1896 +1982) & Leendert PAASSE (°1892 +1986) sosa 15 |
SITES CONSULTÉS (en néerlandais) :
Zierikzee-Monumentenstad : https://www.zierikzee-monumentenstad.nl/meekrap
Zeeuwse Ankers : https://www.zeeuwseankers.nl/verhaal/meekrapteelt-en-bewerking-2
Beroepen van toen, article Meekrapteler : http://www.beroepenvantoen.nl/Oude-beroepen-M.html
Archives municipales de Tholen, article sur l'ancienne commune de Sint Annaland : https://archieftholen.nl/voormalige-gemeenten/sint-annaland
La garance dur l'île de Goeree-Overflakke : http://erfgoedlijngo.nl/media/Canon/Meekrap%20op%20Goeree-Overflakkee%20en%20verwerking%20in%20meestoof.pdf
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On en apprend des choses ! Merci pour ce billet très instructif !